L'affaire JPK - soutienjpk.org
L'affaire JPK
Outre-mer la 1ere
L’affaire JPK
27 ans après les faits, et 20 ans après leur 2ème dépôt de plainte, la famille dénonce un déni de justice
septembre 2024
Journaliste de 1983 à 1988, puis chargé de communication auprès d’hommes politiques opposés à Gaston Flosse de 1988 à 1997, Jean-Pascal Couraud disparaît définitivement à l’âge de 37 ans dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997.
Le volumineux dossier constituée suite à l’enquête réouverte il y a 20 ans, en décembre 2004, nous amène à conclure qu’il a été victime d’un assassinat commis par plusieurs membres d’une milice constituée au sein d’un service de l’administration polynésienne, car il disposait d’informations jugés sensibles sur les affaires de Gaston FLOSSE, et sur un financement possible de Jacques CHIRAC via le Japon. L’enquête révèle également que la DGSE, qui avait mis à disposition auprès du gouvernement de la Polynésie française un de ses agents à partir de juin 1997, était parfaitement informée de cette affaire.
Jean-Pascal COURAUD est devenu un opposant à Gaston Flosse et a commencé à agir ouvertement en ce sens en 1985, deux ans après le début de ses activités professionnelles au sein au sein du quotidien “Les Nouvelles de Tahiti”, en tant que journaliste, puis rédacteur en chef. Il se fait rapidement connaître et signe ses articles sous les initiales JPK. En désaccord sur la ligne politique du journal, il est licencié en avril 1988 par ses propriétaires. Jean-Pascal continue ensuite ses investigations, en marge de ses activités professionnelles au service des opposants politiques de ce dernier, notamment celles qu’il exercera comme chargé de communication de Boris Léontieff à la mairie d’Arue, de 1994 jusqu’à sa disparition en décembre 1997. Il disposait toujours d’une carte de presse l’année précédent sa disparition.
A partir de l’année 1996, Jean-Pascal travaille étroitement avec un avocat également engagé professionnellement contre Gaston Flosse ; ils partagent alors des informations sur plusieurs dossiers compromettants et potentiellement sensibles, dont certains mentionnant des personnalités politiques françaises de premier plan.
Se sachant suivi et menacé, cet avocat rédige une note sur les affaires dans lesquelles celui-ci est impliqué. Cette note est subtilisée par un tiers et vendue en août 1997 au Service d’études et documentation (SED), service tout juste créé par le président Gaston Flosse. Un agent de la DGSE est mis à disposition du gouvernement Polynésien et placé à la tête de service, avec un objectif avoué de surveillance de ses opposants politiques.
Grâce à cette note, le SED connaît ainsi les dossiers sur lesquels Jean-Pascal Couraud est susceptible de se mobiliser. Connu pour être un élément incontrôlable, la possession de ces informations fait de lui un homme dangereux pour le pouvoir en place. Une filature de Jean-Pascal COURAUD par les agents du SED débute alors en novembre 1997 jusqu’à sa disparition définitive survenue à son domicile de Te maru ata dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997.
La famille est tout de suite orientée vers un suicide sur la base d’éléments très succincts et peu fiables. Deux des proches de Jean-Pascal mentent aux enquêteurs et à la famille. Des zones d’ombre et des doutes jamais levés sur le déroulement de la dernière soirée apparaissent.
C’est pourtant cette hypothèse d’un suicide que la famille de Jean-Pascal finit par retenir faute d’autres pistes et fautes d’enquête véritable menée par les gendarmes. Le juge TALLIERCIO saisid’une plainte pour enlèvement et séquestration 3 semaines après les faits, ne procède pas non plus ni aux investigations ni aux garde sà vue nécessaires. L’enquête se concentre sur les mensonges avérés de l’épouse de Jean-Pascal, mais n’aboutit à aucune explication quant à la disparition de Jean-Pascal Couraud. Le juge d’instruction ne clôture pas l’enquête mais celle-ci est au point mort.
En octobre 2004, quelques mois après la défaite électorale et la perte de pouvoir de Gaston Flosse, un agent du Groupement d’intervention de Polynésie (GIP) accuse deux de ses collègues d’avoir commis un meurtre sur la personne de Jean-Pascal Couraud, sur l’ordre de leur chef. Moins de 2 semaines après que ces révélations aient été publiées dans la presse, sans même saisir le juge en charge de l’enquête, le procureur de la république fait condamner pour dénonciation mensongère et calomnieuse à une peine de prison ferme, celui qui dénonçait en réalité un crime.
En décembre 2004, la famille de Jean-Pascal Couraud fait alors un nouveau dépôt de plainte pour assassinat et complicité et parvient à lancer une nouvelle enquête judiciaire qui se déroule dans des conditions très difficiles.
En juillet 2007, malgré les nombreux témoignages à charge, le juge STELMACH émet un avis de fin d’instruction, suivi 3 mois après par un réquisitoire de non-lieu rédigé par le parquet, qui n’a qu’un souhait, clore le dossier. Mais l’arrivée de Nicolas SARKOZY à la présidence de la République en mai 2007 semble devoir changer la donne.
En novembre 2007, la famille obtient ainsi la reprise de l’instruction et un nouveau juge d’instruction, est désigné en la personne de Jean-François REDONNET. Il fait verser au dossier plusieurs enquêtes sur des affaires dans lesquels est impliqué Gaston FLOSSE. Une perquisition est effectuée au siège de la DGSE et plusieurs documents sont saisis et versés au dossier. Plus de 15 agents de la DGSE sont auditionnés sous X. Parmi toutes les pièces versées au dossier, 26 pièces resteront malgré tout classées “secret défense”.
La possession par Jean-Pascal d’informations très sensibles impliquant des personnalités politiques de 1er plan est progressivement identifié comme le mobile des filatures dont Jean-Pascal avait fait l’objet durant les 2 mois ayant précédé sa disparition.
Le gros travail d’enquête réalisé de 2008 à 2013 pendant plus de cinq ans, permet ainsi de réunir progressivement de très nombreux indices, très significatifs, tous concordants, dont nombreux ont pour origine les aveux faits en privés auprès de leurs proches, dans diverses circonstances et auprès de nombreux témoins, des deux agents du GIP accusés par Vetea Guilloux, agissant aux ordres de leur chef.
La complicité des proches, qui s’enferment dans leurs mensonges et leurs incohérences quant au déroulement de la soirée, apparaît par ailleurs de plus en plus probable.
En juin 2013, neuf ans après le 2ème dépôt de plainte, une première mise en examen pour enlèvement, séquestration et meurtre en bande organisée est alors prononcée par le juge REDONNET à l’encontre de Tino MARA, Tutu MANATEet Rere PUPUTAUKI
En août 2013, la juge Edwige BIT est nommée au départ de Jean-François Redonnet.
En août 2014, le motif des mises en examen est requalifié «des chefs d’enlèvement séquestration sans libération avant le 7ème jour, suivi de la mort de la victime, en bande organisée ».
En janvier 2015, la cour de cassation annule des écoutes téléphoniques réalisées aux domiciles des mis en examen, qui apportaient de nombreux éléments à charge.
Début 2016, un nouveau chef d’enquête chevronné, le colonel ATGER, est saisi de l’affaire. Celui-ci privilégie une approche différente du dossier focalisant en partie ses investigations autour des proches de Jean-Pascal.
En septembre 2017, le juge Frédéric VU succède au juge BIT et consacre de longs mois à s’approprier l’ensemble du dossier, tout en poursuivant l’enquête dans les mêmes directions.
En juin 2019, Miri TATARATA, l’épouse de Jean-Pascal, et Francis STEIN, son amant et compagnon de route politique de Jean-Pascal aux côtés de Boris LEONTIEFF, sont de nouveau interrogés sous le régime de la garde à vue. Au fil des auditions, les soupçons de mensonges concernant leur emploi du temps et le déroulement de la soirée se sont confirmés. Aussi, à l’issue des 48 heures de garde à vue, le juge a considéré que des indices graves et concordants qu’ils aient commis ou participé, en tant qu’auteurs ou complices, au meurtre de Jean-Pascal COURAUD étaient réunis. Miri TATARATA et Francis STEIN ont donc été mis en examen et leur mise en détention provisoire sollicitée par le procureur auprès du juge de la détention et des libertés qui n’a pas accédé à cette demande, et les a placés sous contrôle judiciaire.
En septembre 2020, la Chambre de l’instruction confirme ces mises en examen. Toutefois, Francis STEIN parvient, pour ce qui le concerne, à faire casser cet arrêt de la Chambre de l’instruction après avoir soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative au droit de se taire devant la chambre de l’instruction, inscrit désormais dans le code de procédure pénale. La cour de cassation renvoie donc à nouveau Francis STEIN devant la chambre de l’instruction.
En octobre 2021, la nouvelle demande de déclassification des 26 pièces toujours classées “secret défense” est refusée à la famille par le ministère de la défense saisie par le juge.
En octobre 2022, la Chambre de l’instruction confirme, pour la 3ème fois, la mise en examen de Francis STEIN. Les cinq principaux protagonistes impliqués dans les faits ayant conduit à la disparition définitive de Jean-Pascal COURAUD sont donc désormais mis en examen de manière définitive, ce qui constitue une étape importante de l’instruction.
Mais alors que l’on espérait que le juge Frédéric VU effectue les derniers actes nécessaires pour clore officiellement l’instruction, celui-ci est muté d’office pour motif disciplinaire par le Conseil supérieur de la magistrature.
A partir de novembre 2022, c’est donc le juge Laurent MAYER, un des deux autres juges d’instruction en fonction au tribunal de Papeete, qui est désigné pour le suivi de ce dossier dans l’attente de l’arrivée de la juge d’instruction devant remplacer Frédéric VU.
En janvier 2023, une demande d’audition essentielle, celle de Gaston FLOSSE lui-même, jamais interrogé sur le fond du dossier, est transmise au juge d’instruction par la famille mais celle-ci est mise de côté, théoriquement jusqu’à l’arrivée de cette nouvelle juge.
En septembre 2023, à l’arrivée de la nouvelle juge d’instruction, c’est finalement le juge MAYER qui reste en charge du dossier.
En novembre 2023, il indique alors à notre avocat, qu’il lui est impossible de poursuivre correctement le travail d’instruction de ce dossier tout en continuant à assurer ses activités normales de juge d’instruction. Il mentionne la complexité du dossier et le temps qui lui manque pour en prendre connaissance dans son intégralité.
En juillet 2024, Il finit par accepter de rencontrer la famille de Jean-Pascal et fait alors preuve d’une grande franchise. Il indique notamment avoir sollicité un assistant juridique auprès de la Présidente du tribunal dés mars 2024, seule possibilité selon lui pour espérer clore l’instruction de cette affaire dans de bonnes conditions. Quittant ses fonctions de juge d’instruction en milieu d’année 2024, il confirme qu’ il n’aura pas été en capacité de faire progresser l’instruction, malgré toute sa bonne volonté manifeste, les moyens supplémentaires sollicités ne lui ayant pas été accordés.
Ainsi, 2023 et 2024 sont deux années totalement perdues et ce sera donc théoriquement la nouvelle et huitième juge d’instruction, Mathilde PANICCI, 33 ans, attendue pour octobre 2024, qui devrait reprendre le travail d’investigation autour des points devant encore être précisés, de manière à consolider l’accusation et enfin, renvoyer le dossier devant une cour d’assises.
Mais à ce stade, le même déroulé et les mêmes difficultés rencontrées par le juge MAYER pourraient se répéter encore et encore. Comment éviter que cette situation ne se reproduise ? Peut-on continuer espérer un jour le renvoi devant une cour d’assises ? Combien de témoins essentiels seront décédés le jour où cela arrivera ?
27 ans après la disparition de Jean-Pascal, 20 après les accusations de meurtre proférées par un agent du GIP envers ses ex-collègues, plus de 10 ans après les premières mises en examen, il faut bien constater l’enlisement du travail d’instruction, ce que nous ne pouvons accepter.
Par ailleurs, compte-tenu des personnalités impliquées, c’est aussi la population polynésienne qui s’interroge sur cette affaire restée tout à fait trouble. Ainsi, nous continuons à être régulièrement abordés par des personnes que nous ne connaissons pas qui nous questionnent et nous font part de leur soutien et leurs encouragements pour continuer jusqu’à une décision judiciaire.
Mais peut-on encore croire que la justice sera en capacité de tenir le rôle qui est le sien ? Nous savons désormais que seul un changement radical au sein de cette institution judiciaire permettra que l’affaire JPK soit à nouveau traitée avec les moyens nécessaires pour pouvoir renvoyer ce dossier devant une cour d’assise.
Les faits exposés montrent un déni de justice manifeste. Le traitement de cette affaire est marqué par une lenteur difficilement supportable, un refus d’investigation efficace et une violation des droits de la partie civile, ce qui porte gravement atteinte à la crédibilité du système judiciaire. Il est inacceptable que, 27 ans après la disparition de Jean-Pascal Couraud, la famille et la population polynésienne soient encore dans l’attente d’une décision judiciaire, tandis que l’instruction continue de piétiner.
4- Pièces de la procédure
“JPK, l’homme qui faisait trembler Tahiti”, documentaire 52 mn produit par canal + en 2012
Nos réponses à Francis Stein